Préparation de la manif
rideau
Le khamsin qui, depuis quarante-huit heures, enveloppe Alger de son haleine brûlante n'a pas contribué à calmer les esprits. Ce mardi 13 mai 1958 la ville a les nerfs à fleur de peau. Et le vent lourd venu du désert accroît l'odeur poussiéreuse de la rue que les jets d'eau du matin sur les trottoirs et les chaussées n'ont pas suffi à rafraîchir. On a la gorge sèche. On se sent oppressé. Que va-t-il, que doit-il se passer ? Car c'est sûr qu'on ne peut rester ainsi à la merci d'un gouvernement qui ne pensera, sitôt investi, qu'à traiter avec les rebelles. Il faut que la ville fasse éclater sa fureur, son inquiétude aussi. Elle y est résolue. Et on en a décidé pour elle...
La rue a son visage des mauvais jours. La plupart des magasins n'ont levé leur rideau qu'à moitié. Dans les bureaux on se pose plus de questions qu'on n'abat de travail. Et puis la grève générale commence à 13 heures ! Les journaux ont tous publié l'ordre de grève ainsi que l'annonce de la manifestation interdite par Lacoste, autorisée par Salan. On ne parle que de cela. Les trottoirs du centre sont à demi déserts mais dans les bistrots et sur les placettes, à l'ombre des ficus bruissants de myriades d'oiseaux énervés par la chaleur, on se prépare, on polit ses armes. Le peuple est mobilisé. La grosse artillerie est en place. L'Echo d'Alger publie les consignes du Comité de vigilance. On sent que le grand jour est arrivé. La masse de manoeuvre est chauffée à point. Tous ces petits pieds-noirs français, espagnols, mahonnais, italiens, sont prêts à obéir aux ordres. Quels ordres ? Mais ceux de la rue, ceux qui viennent sans qu'on sache d'où, ceux qui vous entraînent dans de merveilleuses « conneries » où tout le caractère méditerranéen trouve un exutoire à l'inquiétude folle et savamment distillée depuis des semaines.
13 mai 1958 à Alger
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Manif du 13 mai 1958